Carrière, J.-C. (1977) “À propos de la Politique de Plutarque.” Dialogues d'histoire ancienne 3(1): 237-51.
Excerpt:
L’exposé de Cécile Panagopoulos, en mettant en contact un texte littéraire et des inscriptions, montre avec beaucoup de force comment l’un et les autres représentent une même tentative pour ériger en modèle le système de représentations grâce auquel un groupe social dominant exprime ses rapports avec les choses. S’agissant de Plutarque, il faut rappeler le caractère colossal de la tentative, en pensant aussi aux Vies parallèles. A quoi en effet pouvait servir une réécriture de toute l’histoire gréco-romaine, depuis les origines jusqu’à la crise de 69, sous la forme de cinquante (et plus) biographies d’hommes illustres ? Évidemment à jeter l’histoire dans un moule unique, on serait tenté de dire : à faire passer toute l’histoire dans la même moulinette. Ainsi la morale de Plutarque et des notables de son temps devient la morale de l’Histoire. De même que la vie orientée des grands hommes est décrite comme une destinée où la fin illustre est la vérité du commencement – comme le dit J.-P. Sartre, on naît «grand homme», on ne le devient pas -, de même l’Histoire orientée devient Destin, Destin de Rome. Rome et son empire sont la vérité de l’Histoire. Et, parallèle à Rome, créatrice de son idéal, la Grèce de Lycurgue et de Philopoemen prétend, par la voix de Plutarque, conserver à jamais son rôle «civilisateur». Il faudra un jour démonter les mécanismes des Vies, pour montrer commentyavec de l’Histoire/ Plutarque fait de la morale, pour formaliser sa démarche, étudier le ré -arrangement de la chronologie réelle, dégager une typologie des «fonctions» (au sens où W.Propp classe les «fonctions» dans le conte russe). L’importance du corpus, permettrait une telle systématisation.
Online:
Persée