La Vie de M. Descartes

Adrien Baillet, La Vie de M. Descartes (2 vols.), Paris, 1691.

Excerpt:

Je sçai qu’ il en est presque des philosophes comme des saints de l’ eglise de Dieu : et que les uns non plus que les autres n’ ont souvent rien à emprunter de leur famille. On peut dire même que les personnes du siecle qui reçoivent quelque lustre de leur naissance, n’ ont qu’ un merite assez mediocre, lorsqu’ elles sont obligées de recourir à celuy de leurs parens et de leurs ancêtres, pour en tirer quelque avantage. J’ avouë que ce n’ est pas traiter M Descartes en philosophe que de parler de la noblesse de son sang, et de l’ antiquité de sa race : et que ceux qui font profession de mépriser ces considerations trouveront peut-être que sa naissance pour être un peu trop illustre l’ a éloigné de la philosophie d’ un degré plus qu’ elle n’ auroit fait, si elle avoit eu la mediocrité de celle de M Gassendi, ou les défauts de celle du celebre Galilée. Ce n’ est donc pas pour rien ajoûter au merite, où à la reputation de M Descartes que je veux parler de son extraction, puisqu’ à toute rigueur il n’ en a point reçu plus que M Gassendi, ou Galilée en auroient pû recevoir de la leur. Mais c’ est pour faire voir que la gloire que ses ancêtres ont pû meriter dans les armées, et dans les cours souveraines n’ empêche pas qu’ ils n’ en aient reçu une toute nouvelle de nôtre philosophe par un effet du retour que la retroaction est capable de produire. La vie est un present de la nature assez considerable pour ne pas negliger de sçavoir à qui l’ on en est redevable : et j’ ay lieu d’ esperer que ceux à qui celle de M Descartes ne sera point entierement indifferente, me sçauront gré de leur avoir fait connoître les personnes dont la providence a voulu employer le ministere pour la production de ce philosophe. Je sçai qu’ il en est presque des philosophes comme des saints de l’ eglise de Dieu : et que les uns non plus que les autres n’ ont souvent rien à emprunter de leur famille.

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